Charles du Pontavice, Directeur de la practice RH de Morgan Philips Executive Search, a interviewé Grégory Pardieu, Group Human Resources Director Talent, Performance & Cultural Transformation au sein du groupe Vallourec. DRH agile au profil résolument orienté vers les problématiques de transformation et de leadership, il est notre expert sur la notion d’engagement au sein des entreprises et partage avec nous ses convictions et son expérience sur le sujet.
Charles du Pontavice : Bonjour Grégory, selon vous, quels ont été les impacts de la crise de la COVID-19 sur l’entreprise ?
Grégory Pardieu : Depuis un an, on peut effectivement considérer que de nombreux business model, les lignes managériales, l’engagement des salariés ont été soumis à un acid-test inédit. Mais par nature, je considère que chaque crise apporte son lot d’opportunités, et il ne faut pas perdre de vue que cette période a permis de démontrer qu’il était possible de mettre en œuvre des solutions de ruptures, de révéler de nouveaux de leaders et de mettre de côté un certain de nombres de croyances et pratiques qui avaient tendance à brider les énergies, les équipes, les talents.
Charles du Pontavice : Vous évoquez l’engagement, quelle est votre définition ? Plus globalement, quels sont les enjeux et challenges dans le contexte actuel ?
Grégory Pardieu : L’engagement, est ce facteurX qui permet à une entreprise de se distinguer des autres, parce que ses équipes font à la fois preuve de détermination mais également de force, d’enthousiasme, de conviction, pour la défendre, la développer, la représenter … l’incarner.
En matière d’engagement, l’enjeu actuel est de permettre à nos collaborateurs, qui viennent pour le plus grand nombre de se lancer depuis un an dans un marathon, sans en avoir conscience, sans y être préparer, sans avoir pu se ravitailler, sans savoir pourquoi la ligne d’arrivée n’est pas encore franchie, … de retrouver du sens à l’effort, de la motivation et de l’enthousiasme, et l’envie de repartir pour une nouvelle course.
Plus globalement, notre principal challenge est le retour du business, de la performance qui sont naturellement des priorités essentielles, vitales. Mais pour que cela puisse se faire de manière pérenne, il faut aussi être capable de réaliser un exercice poussé d’introspection au niveau de l’Entreprise afin de capitaliser sur les acquis de cette période mais également reconnaitre les efforts, panser les stigmates de cette période. Notre responsabilité en tant que DRH, est désormais d’accompagner la sortie de cette crise – en intégrant le fait qu’elle est appelée à se répéter –, et cela en faisant évoluer l’entreprise dans 2 directions essentielles : accroitre l’agilité au service de la performance, retrouver de l’engagement en apportant de la Vision et en libérant la ligne managériale.
Charles du Pontavice : Quel serait votre conseil pour apporter plus d’agilité ?
Grégory Pardieu : Mon expérience est que l’agilité doit s’appréhender à 2 niveaux. Le premier est de travailler sur le Workforce planning en adaptant des effectifs aux perspectives moyen terme, tout en préservant les compétences de « core-business ». Mais également en permettant une plus grande flexibilité d’allocation/d’utilisation des ressources internes en fonction des projets, des besoins des clients. Naturellement, tout cela doit être mise en perspective, expliquer aux collaborateurs et discuter avec leurs représentants le cas échéant.
Le second axe est de promouvoir un fonctionnement et une organisation plus souple. Je considère que l’on a démontré à quel point notre capacité d’adaptation, d’évolution, de révolution est grande et a été probablement trop longtemps mise sous cocon. Désormais charge à nous, DRH, de faire en sorte que nos mauvaises habitudes soient définitivement chassées, et de permettre à l’entreprise de capitaliser sur cette agilité (nouvelle ou retrouvée). Par exemple, en créant plus de passerelles, de porosité entre fonctions, les business, en simplifiant les procédures de contrôle et approbation, en encourageant la prise d’initiative (de tout type) et reconnaitre à chacun le droit à l’erreur … d’entreprendre !
Cette agilité est un puissant levier de performance, puisqu’il permet de concentrer les ressources sur les points de Valeur Ajoutée et encourage l’innovation, l’esprit d’entreprendre. Mais attention, une telle évolution culturelle doit s’accompagner, se construire collectivement en respecter le «core-value» de l’entreprise.
Charles du Pontavice : Pensez-vous que les entreprises devraient davantage se concerter sur l’engagement ?
Grégory Pardieu : Je ne sais pas dire s’il faut se concentrer davantage ou non, nombre d’entreprises, je l’espère, ont conscience que leur principal Asset sont celles et ceux qui permettent au quotidien de capter des parts de marché, d’entretenir les relations avec les clients, de le faire fonctionner. Il faut très certainement s’assurer de garantir, ce que je considère être les fondamentaux, les conditions préalables de l’engagement … mais également prendre en compte le lot d’opportunités que cette crise nous a offerte.
Mon expérience opérationnelle au début de ma carrière m’a permis de forger de solides convictions sur ce qui permet d’embarquer les équipes, par la mise en place de ce que je considère être les basiques de l’engagement, dont j’ai également pu observer les bénéfices auprès d’équipes à l’international ensuite. Je considère qu’il est essentiel d’apporter du donner du sens (à l’action) en partageant la vision long terme de l’Entreprise, ainsi ensuite chacun pourra y trouver son sens et sa motivation. Ensuite encourager l’équipe à fonctionner ensemble (et casser les silos) afin leur permettre de s’accomplir pleinement grâce à un management inclusif, à l’écoute mais également exigeant. Le 3ème basique, réside dans notre capacité à apporter de la reconnaissance individuelle (et sincère), ce qui a toujours un pay-back de motivation immédiat.
Face à ces basiques, l’année 2020 a également permis de démontrer à quel point notre capacité d’adaptation, d’évolution, de révolution est grande et a été probablement trop longtemps mise sous cocon. Elle a permis de mettre à mal, et je l’espère même d’éradiquer définitivement ce ce mal de la motivation que sont les pratiques d’hyper-contrôles, de micro-management. Cette période a permis de démontrer à quel point notre confiance en nos équipes pouvaient être totale, et à quel point l’autonomie et la prise d'initiave avaient probablement été trop contenues dans "ce monde d'avant".
C’est pour cela qu’en prolongement de ces basiques, il me semble que nous pouvons gagner en engagement, en continuant de garantir à nos équipes un espace plus grand d’agilité, de liberté … de capacité d’entreprendre et d’apprendre.
Charles du Pontavice : Qu’encouragez-vous à mettre en place ? Qu’est qui est le plus efficace ?
Grégory Pardieu : Je suis en fervent défenseur des approches « Walk the Talk », et donc l’exemplarité managériale à tous les étages. Cette logique est naturellement efficace en terme de management et donc d’engagement, mais également en matière de sécurité, l’idée est simple … « On ne peut pas attendre des autres ce que l’on ne démontre pas par soi-même ».
En parallèle, il est bien évidemment nécessaire d’acquérir les fondamentaux, les concepts pour la biais de la formation, … Mais ce n’est pas un lisant l’intégralité de livres Killian Jornet que l’on est prêt à faire « le Grand Raid ». Je considère que la meilleure manière pour gagner en Engagement, et donc naturellement de partager ces valeurs, ces pratiques en l’espèce mais ensuite d’encourager, et d’engager instantanément la mise en pratique. À ce titre, les démarches « Nudge » inspirées des travaux de Richard Thaler (Prix Nobel d’Economie 2017), sont extrêmement puissantes car très centrées sur la mise en action au quotidien. À titre d’exemple, Encourager la pratique du Feedback permettra naturellement de renforcer l’Engagement (la Reconnaissance par exemple) … uniquement si l’on encourage concrètement sa mise en œuvre quotidienne et son suivi, … C’est en multipliant les courses longues et courtes qui l’on réussit à courir un marathon, pas uniquement en disant qu’il faut aller courir !
Charles du Pontavice : Y aura-t-il selon vous un après s’agissant de l’engagement des collaborateurs & des équipes ?
Grégory Pardieu : Je pense qu’il faut rester vigilant à ce que les liens entre l’Entreprise et ses collaborateurs ne se distendent pas (plus), parce qu’ils ont été mis en l’épreuve, réellement et parfois durement. Nous devons également rester également attentifs à ce que la cohésion des équipes restent solides, à titre d’exemple le télétravail est devenu la norme pour nombre d’employés, ce qui est une très bonne chose et a permis à quelques entreprises de rattraper leur retard en la matière … mais il y a un mais ! Nos entreprises ne sont pas uniquement composées de télétravailleurs, il y a dans nos ateliers des hommes et des femmes qui, eux, ne peuvent bénéficier de ce type de dispositif (qui poussé à l’extrême comme actuellement ne revêt pas que des avantages pour leur bénéficiaires d’ailleurs). Cette situation, comme d’autres (par exemple le chômage partiel) peuvent créer le sentiment d’iniquité de traitement, de considération et pourraient contribuer à une fracture au sein même des équipes.
Notre job est donc de capitaliser sur ce que cette crise nous a apporté comme opportunités mais également de permettre à l’entreprise qu’elle apporte encore plus de valeurs à l’ensemble de ses clients, qu’ils soient externes ou internes !
Pour plus d'informations, n'hésitez pas à contacter Charles du Pontavice, Directeur des practices Corporate, Legal & HR chez Morgan Philips Executive Search en France