En décembre 2020, la Banque mondiale a publié un « rapport sur le traitement des ordures ménagères » et a alerté sur la situation africaine : selon ses prévisions, la production actuelle de déchets en Afrique subsaharienne, estimée à « 174 millions de tonnes », devrait « tripler d’ici 2050 ». À cela s’ajoute désormais les déchets électriques et toxiques, que le continent reçoit en masse en provenance d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Asie et qui représentent une réelle menace, autant d’un point de vue sanitaire qu’environnemental.
« L’Afrique nouvelle poubelle du monde », l’exemple des déchets toxiques
Les résultats sont unanimes : l’Afrique « déborde » de déchets. En 2018, la Banque mondiale alertait déjà sur la situation africaine et publiait des chiffres inquiétants : « 69% des déchets sont déversés à ciel ouvert et souvent brûlés » ; « 24% des déchets sont éliminés sous une forme quelconque » et « environ 7% sont recyclés ou récupérés ». En plus des déchets locaux, certains pays récupèrent les déchets étrangers, ce qui a pour conséquence l’apparition de décharges sauvages contenant des ordures ménagères, des équipements électroniques mais aussi des matériaux toxiques, exportés notamment par les pays occidentaux mais aussi par l’Asie. Ces déchets hautement dangereux si mal recyclés, représentent une menace importante pour les populations exposées.
L’élimination correcte des déchets toxiques et électroniques, c’est-à-dire sans danger pour la santé et l’environnement, est onéreuse. C’est pourquoi, un marché s’est rapidement développé, permettant à des entreprises de déchets de « se débarrasser » et d’exporter ces derniers en contournant les lois internationales. En effet, selon Convention de Bâle de 1992, les pays n’ont pas le droit d’exporter leurs déchets toxiques sans le consentement des pays receveurs. Ainsi, les États exportateurs affirment envoyer des déchets sous forme de « dons charitables » : les objets transportés sont considérés comme « des biens de seconde main et d’occasion » et sont donc autorisés légalement à l’exportation.
Les pays d’Afrique occidentale et centrale sont les plus touchés par le phénomène. Le Nigeria, le Ghana et la Côte d’Ivoire sont « particulièrement ciblés ». Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), Abuja et Accra sont identifiés parmi « les principales destinations mondiales pour les déchets électroniques ». Au Nigéria, chaque mois arrive « environ 500 conteneurs », transportant chacun « environ 500 000 appareil usagés ». Au Ghana, des « centaines de milliers de tonnes » de déchets exportés arrivent également sur le territoire. Cependant, cette importation génère de fortes retombées économiques pour les États africains grâce aux taxes établies, jusqu’à 100 millions de dollars par an pour le Ghana par exemple.
Les pistes de la Banque africaine de développement pour une gestion durable et sans danger
Une bonne gestion des déchets, tels qu’ils soient, est ainsi indispensable pour endiguer les problèmes sanitaires qui y sont liés sur le continent. En décembre dernier, la Banque africaine de développement (BAD) a annoncé vouloir accélérer l’économie circulaire dans la gestion des déchets en Afrique à travers un nouveau programme intitulé « Programme d'investissement dans la croissance verte en Afrique axé sur la gestion des déchets et l'économie circulaire ». À la suite d’enquêtes et de discussions ayant eu lieu entre novembre et décembre 2020, la BAD a pu identifier les priorités, les défis et les opportunités potentielles qui pourraient permettre la stimulation d’« une croissance verte transformatrice et du développement d'une économie circulaire par le biais d'investissements stratégiques et de partenariats dans la gestion durable des déchets, avec une focalisation géographique sur l’Afrique ».
Financée par la Coopération économique Corée-Afrique (KOAFEC), cette initiative, qui vise « à minimiser les déchets et à maximiser la valeur des ressources », notamment grâce « à la récupération et la régénération des produits à la fin de leur durée de vie normale », devrait également permettre la réalisation de projets d'investissement public, privé et public-privé dans plusieurs pays africains. À titre d’exemple, l’Algérie, l’Éthiopie et le Rwanda ont d’ores et déjà pris des mesures pour améliorer la gestion durable des déchets et l’économie circulaire, comme le souligne la BAD : Alger encourage « la valorisation des déchets par le recyclage, le compostage et le reconditionnement », Addis-Abeba mise sur « la valorisation énergétique de l'incinération des déchets » et Kigali élimine progressivement « l'utilisation des sacs en plastique pour promouvoir des modes de consommation et de production durables ».
Avec cette initiative, la BAD entend créer un « environnement plus favorable pour la gestion durable des déchets et les activités d'économie circulaire ». Des rapports « d’analyse des lacunes » seront régulièrement établis pour chaque États africains. Les pays comptant parmi les destinations mondiales pour les déchets toxiques et électroniques et qui n’ont pas ratifié la Convention de Bamako de 1998 (prolongement de celle de Bâle interdisant l’importation de déchets dangereux), comme le Nigéria et le Ghana, sont fortement invités à le faire par les Nations Unies, pour endiguer le fléau des déchets toxiques et assurer une gestion plus verte et saine.
Pour plus d’informations sur les Conventions de Bâle et de Bamako, cliquez ici : http://info.gistrid.din.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/baselconventiontext-f.pdf - https://www.peaceau.org/uploads/convention-de-bamako-fr.pdf
Sitographie
« Environnement : une gestion des déchets est nécessaire en Afrique », par Boris Kharl Ebaka, Agence d’information d’Afrique centrale, publié le 11/12/2020 à 11h05, disponible ici : https://www.adiac-congo.com/content/environnement-une-gestion-des-dechets-est-necessaire-en-afrique-122428
« Gestion des déchets : la BAD veut accélérer l’économie circulaire en Afrique », Algérie Presse Service, publié le 24/12/2020 à 13h45, disponible ici : https://www.aps.dz/economie/114828-gestion-des-dechets-la-bad-veut-accelerer-l-economie-circulaire-en-afrique
« Les déchets toxiques et électroniques, une sourde menace pour le Golfe de Guinée », par Jeune Afrique, Jeune Afrique, publié le 31/12/2020 à 14h03, disponible ici : https://www.jeuneafrique.com/1098084/economie/tribune-les-dechets-toxiques-et-electroniques-une-sourde-menace-pour-le-golfe-de-guinee/