Les banques africaines, touchées de plein fouet par la pandémie du Covid-19, ont dû s’adapter et revoir leur stratégie. La mise en application du confinement et des règles de distanciation sociale a modifié les relations que les banques entretenaient avec leurs clients. Ainsi, elles ont massivement développé leurs offres de service en ligne. Cependant, les banques africaines ont indéniablement rencontré des difficultés dans cette transition numérique « brutale », en raison d’un manque de moyen dans le domaine de la gestion à distance et de la numérisation des services en ligne. En Afrique, les agences sont encore le lieu principal des activités bancaires.
Hausse de l’utilisation des services bancaires en ligne
Ecobank, leader du numérique en Afrique francophone, illustre ces difficultés engendrées par la crise sanitaire. Pour Ade Ayeyemi, directeur général du groupe, « le coronavirus est le plus grand accélérateur de notre époque ». Ayant fermé une partie importante de ses agences au début de la pandémie, deux tiers de ses collaborateurs ont continué leurs activités en télétravail, ce qui a causé une chute de 64% du nombre de transactions dans les agences physiques. Les clients d’Ecobank n’ont alors eu d’autres choix que de se tourner vers les plateformes numériques mises à disposition par la banque : son application « Ecobank Pay » et son site dédié aux entreprises « Omni ». Une augmentation de 56% des services numériques d’Ecobank a ainsi été enregistrée au cours du premier semestre 2020. Pour A. Ayeyemi, ces premiers résultats sont concluants : « s’il y a une chose positive qui doit ressortir de cette période, c’est que les gens ont fait l’essai du numérique et ont été conquis ». La Banque Populaire du Maroc (BCP) a également constaté une hausse de 20% de ses transactions en ligne. Même schéma pour la banque ivoirienne NSIA, dont la quasi-totalité des activités initiales sont dorénavant numériques. Dès les premières semaines du confinement, le trafic en ligne de la banque a doublé au fur et à mesure que les agences fermées, selon le fondateur du groupe Jean Kacou Diagou. Chez Standard Bank, les demandes de prêts particuliers se font désormais essentiellement en ligne et non plus en agence comme cela était le cas avant la crise.
Une prise de conscience « numérique »
Face à ces changements rapides, les banques africaines souhaitent exploiter massivement le numérique et proposer des plateformes digitales toujours plus performantes à leurs clients. Pour le directeur général d’Equity Bank James Mwangi, la vitesse à laquelle les clients ont adapté leurs habitudes face au Covid-19 est incroyable, notamment concernant le respect des mesures d’hygiène et des règles de distanciation sociale (difficultés pour respecter les distances physiques en agence, fait de toucher les distributeurs, de transmettre les billets de mains en mains, etc). Pour lui, Equity Bank se doit de s’« adapter à leur prise de conscience des risques sanitaires ». Aujourd’hui, 83% du trafic total de la banque sont des transactions digitales. Cependant, malgré des résultats plutôt positifs, le chemin vers le digital est également un défi pour les banques. Par exemple, au Maroc, à la suite d’un sondage réalisé par le cabinet de conseil McKinsey & Company en avril dernier, 37% des personnes sondées désiraient que leurs banques améliorent leurs plateformes digitales et qu’elles y proposent plus de services en ligne. De plus, près d’une personne sur cinq déclarait vouloir continuer à utiliser les plateformes même après la crise.
Des mesures en faveur du digital
L’utilisation massive du numérique dans le secteur bancaire a également été permis grâce à des initiatives régionales mises en place dès le confinement. En avril 2020, la Banque Centrale des États de l'Afrique de l’Ouest (BCEAO) avait annoncé l’entrée en vigueur de mesures permettant de faciliter les transactions en ligne : « gratuité des transferts d’argent électroniques pour des montants inférieurs à 5 000 F CFA » ; « gratuité des paiements de factures d’eau et d’électricité pour les montants inférieurs à 50 000 F CFA via la téléphonie mobile » ; « suppression par les émetteurs de monnaie électronique des commissions payées par les commerçants » ; « assouplissement des conditions d’ouverture des comptes de monnaie électronique ». Cependant, les banques estiment que ces aides des institutions et des États ne sont pas suffisantes. En effet, pour faciliter ses transactions et surtout, les sécuriser, des moyens doivent être développés rapidement au sein des infrastructures technologiques (plateformes techniques, data centers, cybersécurité). Par exemple, de nouveau projets d’envergure sont d’ores et déjà en cours de développement : intelligence artificielle (IA), chatbot (robot logiciel permettant de dialoguer en ligne), banque 100% numérique.